Another brick in the wall

Publié le par Free Wheel

    J'ai beau être un pur produit de l'aspect "réussite et ascencion sociale" de l'école, je n'en reste pas moins amère sur les humiliations que j'ai subies dans ce système. Il m'a fallu toute ma formation politique pour oser poser un regard critique sur l'institution scolaire. Jamais ailleurs on ne m'a fait sentir si violemment que je n'étais qu'une fille d'ouvriers. Ah ces foutues fiches de rentrée! Dommage que certain-e-s profs, pas tou-te-s heureusement, s'en servent pour ranger leurs élèves dans des cases dont ils ne leur permettront pas de sortir de toute l'année scolaire. En même temps ça donne la rage et l'envie de les baiser ces gardien-ne-s de l'ordre social : sur mes copies de bac y'avait pas mon nom et la profession de mes parents, et j'ai pété les scores. 12 ans après j'ai encore dans le coeur la saveur de ma revanche...
    Il y a aussi les codes et le langage : l'école est le premier lieu de toute notre vie où nous devons ruser pour cacher la pauvreté de notre vocabulaire, pour contourner un obstacle de conjugaison, pour ne pas dire qu'à la maison ya pas l'équipement pour lire les cassettes audio d'anglais etc. Dans Entre les Murs de François Bégaudeau cette question du langage revient souvent : comment sait on quel registre employer? Pourquoi cette hiérachie dans les registres? Pourquoi parler comme ça c'est vulgaire? ca veut dire que chez moi c'est vulgaire et méprisable? Ces questions sont centrales aussi chez Annie Ernaux, notamment dans Les Armoires Vides où elle explique très bien comment au fur et à mesure de son apprentissage elle a peu à peu posé le regard de la norme scolaire, le regard bourgeois sur ses parents, modestes commerçants et comment elle a fini par les mépriser, comme l'école méprise les moins bien armés en vocabulaire et langage soutenu. Cette impression que deux mondes existent, qu'on est issu du médiocre et qu'il faut absolument le cacher rend très malheureux-se.
   
    J'avais très hâte de voir Entre les murs, l'adaptation par Laurent Cantet, et je n'ai pas été déçue! Bien sûr le livre ets plus profond, mais le film est très fidèle à l'esprit du roman. J'adore la scène où le prof, à bout d'arguments pour légitimer l'existence de l'imparfait du subjonctif, finit par affirmer que pas plus tard qu'hier soir il l'employait avec des ami-e-s ! Au moins cette fois les élèves se révoltent, alors que moi je gobais tout ça quand j'étais élève, comme des formules magiques auxquelles on ne comprend rien...Entre les murs, film et livre, sont des oeuvres très riches, qui abordent bien d'autres problématiques, par exemple le débat discussion/punition sur lequel je ne suis pas spécialiste...J'ai trouvé le regard sur les enseignant-e-s assez juste : leur ridicule occasionnel aussi bien que leur humanité sont montrées...

    (Ce n'est qu'en cherchant le titre de ce post que j'ai vu le lien entre le titre de la chanson de Pink Floyd et le titre du roman et du film : les murs, c'est plutôt à connotation péjorative non? ça fait prison...)





Publié dans Comme elle vient

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